Souveraineté sanitaire européenne : construire une réponse résiliente

L’Europe doit améliorer ses systèmes d’alerte rapides, sa résilience en matière de chaine d’approvisionnement, la recherche et le développement médical

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L’Union européenne (UE) a été la championne du monde interconnecté dans lequel nous vivons : les personnes, biens, informations, et bien évidemment microbes, se déplacent au-delà des frontières toujours plus vite et en quantité toujours supérieure.

Ces flux créent d’immenses bénéfices, mais, comme l’a montré la pandémie du Covid-19, ils créent aussi des vulnérabilités dans nos sociétés et nous exposent au risque. Les États peuvent limiter ces flux, mais seulement à très grands coûts pour leur économie, leur culture et leurs citoyens. Face à ces vulnérabilités, les citoyens attendent de leurs gouvernements qu’ils soient capables de les protéger, eux et leur santé. En d’autres mots, ils veulent que leur gouvernement conserve une souveraineté sanitaire.

Dans un nouveau rapport, les experts de l’ECFR Jonathan Hackenbroich, Jeremy Shapiro et Tara Varma exposent le concept de souveraineté sanitaire européenne et proposent des solutions au niveau européen pour accroitre la capacité des Etats membres de l’UE à protéger leurs populations face à une compétition toujours plus grande dans le domaine sanitaire.

Les principales conclusions du rapport sont les suivantes :

  • Le coronavirus a affecté les Etats membres de l’UE de différentes manières et dans une mesure différente, mais ils ont presque tous découvert que leur santé publique dépendait, davantage que ce qu’ils pensaient, de biens et services provenant de pays tiers. Cette dépendance a diminué la capacité de l’Europe à répondre à la crise de façon autonome ;
  • Les agences européennes coordonnant cette réponse et fournissant un système d’alerte précoce ont été lent à réagir, et les requêtes d’assistance de la part des Etats membres de l’UE ont d’abord été ignorées – ce qui a créé des sentiments d’abandon au sein des pays les plus durement touchés ;
  • L’Europe doit améliorer ses systèmes d’alerte rapides, sa résilience en matière de chaine d’approvisionnement, la recherche et le développement dans le secteur médical, ainsi que les technologies en cybersécurité afin d’être capable d’agir de manière décisive face aux futures urgences en santé publique ;
  • L’Europe peut construire une plus grande sécurité sanitaire en créant des stocks stratégiques communs d’urgence en équipements médicaux, en diversifiant et en relocalisant les chaines d’approvisionnement, en renforçant les investissements de protection dans les entreprises d’innovation, en investissant dans la recherche et le développement et en coordonnant les efforts au sein des forums multilatéraux.

Les fermetures de frontières et les différends intra-européens du début de la crise ont montré combien les relations européennes aux niveaux local, national et continental peuvent être complexes. Mais cela a aussi prouvé qu’à la fin, l’UE dispose des instruments nécessaires – tant financiers que matériels – pour jouer un rôle essentiel dans la construction de la souveraineté sanitaire européenne.

  • La pandémie a tragiquement affecté la capacité du marché unique à fonctionner. L’UE pourrait empêcher que cette situation ne se reproduise grâce à ces quelques efforts de préparation et de gestion de crise : renforcer le mécanisme de protection civile de l’UE, créer des stocks stratégiques communs d’urgence en équipements médicaux, cartographier les infrastructures européennes de santé et leurs dépendances, et investir dans la planification de scénarios ainsi que dans des projections pour les crises futures ;
  • Les Européens devraient également modifier le cadre des régulations pour le contrôle des investissements afin qu’elles puissent couvrir davantage de domaines, tels que la santé. Dans certains pays, le secteur sanitaire n’est pas clairement couvert par des lois de protection des investissements mais est simplement mentionné aux marges ;
  • La solution pourrait être d’identifier davantage de domaines du secteur sanitaire dans lesquels les prises de contrôle par des intérêts étrangers devront être notifiées aux gouvernements européens afin qu’ils puissent les examiner, tout en évitant un trop grand élargissement des critères prohibitifs ;
  • La crise offre désormais l’opportunité de revoir et d’ajuster les chaines d’approvisionnement européennes pour atteindre une plus grande souveraineté sanitaire. La capacité des Européens à innover et à produire les produits pharmaceutiques de demain dépend de l’ouverture de l’Europe ;
  • L’UE peut et doit endosser de nouvelles responsabilités sur la scène internationale. Les Européens peuvent promouvoir des initiatives mondiales ad hoc, telles que la conférence d’appel aux dons Access to Covid-19 Tools (ACT) organisée par la Commission européenne en mai 2020, et se positionner comme la plateforme de rassemblement d’acteurs étatiques et non-gouvernementaux, tels que l’OMS, le G7, le G20, des fondations et l’industrie pharmaceutique.

Une annexe du rapport inclut également les perspectives sur la souveraineté sanitaire et les attentes envers les niveaux européens et multilatéraux de la part de six capitales européennes essentielles – Berlin, Madrid, Paris, Rome, Sofia et Varsovie.

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