Le tournant liberticide de la Turquie

La Turquie s’éloigne de la voie vers la démocratie

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L’Union européenne doit réengager le dialogue avec la Turquie – même si ce n’est pas avec Recep Tayyip Erdogan – afin d’empêcher davantage de régression en matière de réformes démocratiques, selon une analyse publiée par le Conseil européen (ECFR).

Le Premier ministre Erdogan, qui a mené son parti AKP (parti pour la Justice et le Développement) à une victoire écrasante aux élections de 2002, et a poursuivi sur deux mandats, est attendu vainqueur des élections présidentielles qui débuteront le 10 août prochain.

Ce rapport de l’ECFR suggère que s’il est élu président, l’UE devrait rétablir le contact avec les réformistes et modernistes au sein de l’AKP afin d’empêcher une concentration de pouvoirs dans les mains du nouveau chef d’Etat. Chercheur à l’ECFR et directeur du bureau de Sofia, Dimitar Bechev avance que l’UE devrait « composer avec Erdogan, plutôt que l’affronter, et espérer voir un changement dans la société turque sur le long terme ».

Il y a dix ans, il semblait que la Turquie se dirigeait vers plus de démocratie, notamment grâce au soutien de l’UE. Mais cette vision audacieuse est à présent obsolète. Dimitar Bechev explique que la Turquie est aujourd’hui en train d’évoluer vers une « démocratie antilibérale » dans laquelle Erdogan pourrait user de ses pouvoirs afin de transformer le pays en une République présidentielle. Il détaille les raisons du tournant antilibéral de la Turquie sous le régime de l’AKP :

  • Un scandale de corruption impliquant Erdogan et ses ministres.
  • Des remises en cause de l’Etat de droit ayant conduit la Commission européenne à s’inquiéter pour l’indépendance judiciaire du pays.
  • La concentration des pouvoirs du gouvernement turc dans les mains d’un exécutif qui rend de moins en moins de comptes à la population, ainsi qu’une liberté d’expression de plus en plus restreinte.
  • Une opposition parlementaire inefficace, ne présentant pas de réelle alternative face à l’AKP.

Tandis que L’UE représente 80% des investissements directs à l’étranger en Turquie, Dimitar Bechev souligne que – à l’inverse de la période 1999 – 2005 – l’Europe et la Turquie ont désormais peu de temps à se consacrer mutuellement. L’Europe est paralysée par sa propre crise en Ukraine tandis que la Turquie est préoccupée par ses problèmes domestiques sans fin. Il suggère que l’Europe pourra retrouver son pouvoir d’influence et encourager les réformes uniquement si ses dirigeants trouvent le moyen de collaborer de manière pragmatique avec le nouveau pouvoir turc dans divers domaines et sur le long terme.

 

Dans la perspective d’une entrée dans l’UE, son analyse se conclut par un avertissement brutal : l’atmosphère anti-intégration qui règne en Europe et le succès de l’extrême droite aux récentes élections européennes pourraient causer des problèmes. Il ajoute que si l’idée d’une entrée dans l’UE est abandonnée, « la Turquie et l’UE pourraient facilement retomber dans le traditionnel jeu d’accusations ».

 

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