Vue de Paris: le prisme syrien

Le principe « d’engagement sélectif » fait écho à l’approche privilégiée par la France s’agissant de la Russie.

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« L’engagement sélectif » fait écho à l’approche privilégiée par la France s’agissant de la Russie.

Les relations avec la Russie ont été un sujet de conversation majeur ces dernières semaines à Paris, notamment la politique russe à l’égard de la Syrie. La France a concentré ses efforts afin de mettre un terme à la catastrophe humanitaire à Alep, et ses initiatives ont mené au récent véto russe au Conseil de Sécurité de l’ONU.

A l’aube de cette décision, le président Hollande s’est interrogé publiquement sur la « nécessité » de la visite du président Poutine à Paris – qui aurait été sa première visite bilatérale officielle dans un pays membre du G7 depuis 2014. Il a évoqué les « crimes de guerres » commis en Syrie et a brandi la menace d’un recours auprès de la Cour Pénale Internationale. Une fois qu’il s'est assuré que sa visite aurait pour objet principal son action en Syrie, Vladimir Poutine a décidé de reporter son déplacement.

Ce déplacement – qui devait à l’origine inclure l’inauguration d’une nouvelle cathédrale orthodoxe à Paris, un symbole du « soft power » de la Russie – était prévu le 19 octobre, quelques jours avant la réunion du Conseil Européen. Le président Hollande viendra sûrement apporter ses propositions aux côtés des autres leaders européens. Des discussions pour faire payer à la Russie le prix fort de son aventure militaire en Syrie, afin de forcer Moscou à reconsidérer une solution politique au conflit, ont lieu en ce moment-même à Paris.

Cependant, il va se rendre à Bruxelles en ayant également les préoccupations nationales en tête. Sa position sur la Russie est loin de faire l’unanimité. Bien qu’ayant des perspectives distinctes, le Front nationae et l’extrême gauche critiquent tous deux l’alignement de la France sur les positions américaines, et insistent sur le fait que le maintien des relations avec Poutine est essentiel. De plus, la quasi-totalité, si ce n’est l’ensemble, des leaders de l’opposition sanctionnent l’absence de dialogue avec la Russie à une heure où la lutte contre Daech devrait l’emporter sur le reste.

En réponse à ses détracteurs, le président Hollande a soutenu que « le dialogue est nécessaire avec la Russie mais il doit être ferme et franc sinon il n'a pas sa place, sinon c'est un simulacre ». Evidemment, la même logique s’applique avec l’Ukraine, pour laquelle les diplomates français ont officieusement confirmé qu’une nouvelle réunion du format de Normandie nécessiterait au préalable des progrès sur le terrain dans le Donbass.

Dans ce contexte, la France va probablement souscrire aux cinq principes directeurs énoncés par Federica Mogherini. Avec toute l’importance donnée, à juste titre, à l’application de l’accord de Minsk, Paris est tout particulièrement sensible au fait que la politique de l’UE ne devrait pas se contenter de délivrer des sanctions. Par exemple, Paris soutenait le principe de participation de la société civile, un sujet important dans un contexte où la Russie a supprimé les soi-disant « agents de l’étrangers ». Mais l’élément que la France apprécie tout particulièrement dans l’énonciation de ces principes était l’idée de « l’engagement sélectif » ce qui fait parfaitement écho à la solution privilégiée par la France à l’égard de la Russie.

Maintenant, la question clef pour la France, ainsi que pour l’UE, est : comment transformer ces principes directeurs, et l’engagement sélectif en particulier, en de véritables initiatives politiques qui aideront à résoudre les questions centrales de notre époque. Sinon, les accusations d’effets de manche  referont surface et pourraient être déterminants dans la campagne du printemps prochain pour les présidentielles. 

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