Le vide politique à Aden va causer plus de troubles

La violence et l’instabilité présentes à Aden restent alimentées par des motifs d’instabilité qui sont enracinés dans les années, d’échecs des dirigeants politiques au Yémen. 

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Ce n’était « que » le dernier événement à secouer la ville d’Aden au sud du Yémen, mais les répercussions de l’explosion de dimanche qui a tué Jaafar Mohamed Saad, le gouverneur d’Aden, et au moins une demi-douzaine de ses gardes du corps, a fait écho bien au-delà du quartier portuaire de Tawahi, déjà en proie aux troubles. Depuis qu’il était revenu de l’étranger pour occuper le poste de gouverneur, Saad, un officier militaire du Sud autrefois indépendant, avait été loué pour ses tentatives d’assurer un retour à la normale dans une ville ravagée par les conflits. Dans une tragique ironie, l’attaque mortelle visant son convoi, revendiquée quelques heures plus tard par la branche yéménite de Daech, ne fait que souligner le chemin qu’il reste à parcourir à cet égard.

Bien que la mort du gouverneur, qui était très apprécié, ait laissé beaucoup de gens en état de choc, la violence reste extrêmement courante depuis que les forces soutenues par les Saoudiens ont réussi en juillet à repousser hors de la ville les partisans des Houthis, un groupe rebelle chiite de l’école théologique zaïdite qui a repris la majeure partie du Yémen cette année, ainsi que l’ancien président Ali Abdallah Saleh. En octobre, l’attaque de l’hôtel qui hébergeait le Premier ministre Khaled Bahah et d’autres représentants du gouvernement a fait 15 morts. Une série d’assassinats a continué de viser un large éventail de notables dans la ville, malgré le retour du Président Adb Rabbo Mansour Hadi après son exile: l’assassinat de Jaafar était l’une des trois attaques commanditées en l’espace de 36 heures – précédé par celui d’un juge éminent qui avait présidé des cas de terrorisme, et suivi par celui d’un officier militaire. Pendant ce temps, des militants d’Al-Qaïda ont pris le contrôle de nombreuses villes dans la province voisine d’Abyan, tout en consolidant leur emprise sur le port d’Al-Mukalla, à l’est, dont ils se sont emparés plus tôt cette année.

L’instabilité continue dans ces zones qui ont été nettoyées des Houthis a alimenté un grand nombre d’analyses politiquement motivées. Les partisans de Saleh et des Houthis s’en sont servi comme justification, prétendant que Hadi et les Saoudiens sont de connivence avec Al-Qaïda et Daech ; les partisans de Hadi et de la coalition menée par les Saoudiens blâment Saleh et les Houthis, accusant les attaques d’être des opérations false flag (qui utilisent de fausses revendications) effectuées par les vestiges du réseau des services secrets de l’ancien président.  Il manque cependant l’essentiel dans ce débat. La violence et l’instabilité présentes à Aden – et par ailleurs dans le reste du pays – restent alimentées par des motifs d’instabilité qui sont, à leur essence, enracinés dans les années, sinon les décennies, d’échecs des dirigeants politiques au Yémen. Exacerbée par le conflit en cours, ce vide politique n’a fait que croitre à Aden, tandis que les efforts du gouvernement de Hadi et de ses alliés internationaux pour renforcer la sécurité de la ville n’ont pas encore dépassé la phase nominale.

Indépendamment de la véracité des revendications de l’intrigue politique entourant les événements récent à Aden, les raisons fondamentales pour la violence continue et les assassinats sont assez simples : l’absence d’un gouvernement d’autorité tangible, le flot d’armes et la militarisation de la ville au cours de la bataille pour libérer Aden des Houthis et de leurs alliés, et l’échec de l’incorporation des locaux dans une structure de sécurité remaniée. Tout cela a alimenté un climat d’instabilité profonde. Laissée en suspens, l’absence de gouvernement au pouvoir à Aden – pour ne rien dire du reste du pays – ne fera que multiplier les troubles.

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