Le G7 esquive ses responsabilités sur la Russie

Face aux agissements de la Russie, le G7 et l'UE doivent réaffirmer leur unité et refuser de se laisser intimider.

Le 26 mai, les dirigeants des pays du G7 se rencontreront à Taormine pour « jeter les bases d’une confiance renouvelée ». L’attitude à adopter avec la Russie ne figure toutefois pas à l’agenda. Et pourtant, sans effort pour renforcer la cohérence de la politique occidentale et européenne envers un adversaire qui cherche activement à saper la confiance en l’Occident, la « confiance renouvelée » restera un simple slogan.

L’ordre-du-jour du sommet porte sur la « sécurité des citoyens » – un euphémisme pour terrorisme, migration et chaos au Moyen-Orient et en Afrique du Nord –, développement durable et réduction des inégalités, et préparation à la prochaine révolution économique. Autant de problèmes cruciaux, qu’il est important de traiter. Mais des enjeux de long-terme qu’on ne traitera pas en un sommet ne doivent pas évincer les défis plus immédiats.

Après tout, les relations avec la Russie ont un lien avec tous ces thèmes. En défendant un gouvernement meurtrier en Syrie, et en s’ingérant dans des pays comme la Libye, elle exacerbe la crise des réfugiés et la radicalisation. La Russie est peut-être l’économie développée avec les plus importantes inégalités de revenus. Et Vladimir Poutine fait machine arrière sur ses engagements environnementaux, déclarant que les climato-sceptiques « ne sont peut-être pas si stupides».

De son recours fervent aux cyberattaques comme arme géopolitique à son échec à respecter les droits de propriété intellectuelle étrangers, Moscou pose un défi à la vision d’une économie high-tech des nations du G7. Surtout, la guerre politique affirmée du Kremlin contre l’Occident, avec force espionnages, piratages, subversion et désinformation, sème la méfiance entre les pays concernés, et en leur sein.

Que faire ? Le strict minimum est de préserver la fragile unité sur les mesures défensives existantes. Le moindre signe de faiblesse de l’Occident dans sa volonté de résister à l’agression russe enverrait un message dangereux. Moscou en conclurait que l’Europe manque d’unité et d’endurance, que la Russie peut être agressive à loisir et nous avoir à l’usure.

A cet égard, les sanctions sont centrales. L’échec des efforts britanniques pour renforcer les sanctions lors de la réunion des ministres des Affaires étrangères du G7 en avril n’était pas un bon présage. Mais les abandonner serait un désastre.

Evidemment, certains doutent de leur utilité. Trois ans plus tard, le drapeau russe flotte toujours sur la Crimée, les troupes russes et leurs alliés sont toujours dans le Donbass, et la Russie s’ingère toujours dans notre vie politique. Mais personne ne comptait honnêtement sur des sanctions économiques et politiques relativement limitées pour forcer Vladimir Poutine à un renoncement embarrassant – et politiquement dangereux.

Les sanctions servent aussi à affirmer une volonté et des valeurs. Elles disent à la Russie que l’invasion injustifié d’un autre pays est inacceptable, et que l’Occident ne l’ignorera, ni ne l’acceptera. Emmanuel Macron, qui a été relativement dur sur la Russie, notamment après les interférences dans l’élection présidentielle, le répétera certainement à Vladimir Poutine à Versailles le 29 mai. Mais l’action doit aller au-delà des mots.

L’Union européenne doit renouveler ses sanctions tous les six mois, ce qui attire l’attention du Kremlin. De mon expérience à Moscou, à l’approche du renouvellement, les Russes essaient désespérément de voir s’ils pourraient persuader un Etat-membre de rompre le consensus.

Si on considère que les sanctions ne fonctionnent pas, ou pas assez vite, alors il ne faut pas les lever, mais les renforcer. Nous pouvons faire davantage pour montrer qu’une agression a des conséquences, sans que cela n’entraîne de coûts économiques supplémentaires pour nous.

Nous pourrions ainsi étendre les sanctions individuelles à des personnalités du régime qui ont un rôle dans l’agression en Ukraine et en Syrie, ou dans la subversion des pays occidentaux. En leur refusant un visa, en gelant leurs avoirs, et en incluant aussi leur famille, ce sont les responsables de ces politiques au sein du système, et non les Russes ordinaires, qui seraient visés.

La clé est que le G7 et l’UE réaffirment – à Moscou et entre eux – leur unité. Le ministre des Affaires étrangères italien, Angelino Alfano, a affirmé que Vladimir Poutine « ne devait pas être acculé ». C’est vrai. Mais une politique défendant les règles du jeu n’a rien à voir avec cela, c’est plutôt un refus de se laisser intimider.

Ce ne sera évidemment pas simple. Certains pays comptent des lobbies bruyants qui s’agitent contre les sanctions. D’autres voient leurs priorités ailleurs, en Corée du Nord ou en Méditerranée. Et les embardées incertaines de Washington d’une politique irréfléchie à une autre rendent difficile tout effort de coordination.

Mais il faut le faire. Si ce sommet vise à une « confiance renouvelée », alors une politique russe cohérente et fondée sur des principes non seulement rétablirait la confiance des Ukrainiens et d’autres dans l’Occident, mais consoliderait aussi sa crédibilité. Et si l’Europe manque de crédibilité, comment peut-elle croire qu’on lui fera confiance ?

 

Cette tribune a d'abord été publiée dans L'Express le 25 mai 2017.

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