Lâche mais provocateur, M. Netanyahou rend visite à David Cameron

Une visite au Premier ministre britannique David Cameron au 10 Downing Street sera une distraction bienvenue pour le Premier ministre israélien Benyamin Netanyahou.

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Une visite au Premier ministre britannique David Cameron au 10 Downing Street sera une distraction bienvenue pour le Premier ministre israélien Benyamin Netanyahou.

Ces derniers jours, sa campagne,  alignée sur celle du parti républicain américain afin de faire rejeter l’accord sur le nucléaire iranien P5+1 via un vote du Congrès des Etats-Unis, a été fermement  déboutée. Le Président Obama a obtenu suffisamment de soutien pour, non seulement, garantir que tout veto émis à l’encontre de l’accord soit rejeté, mais  aussi pour éviter le dépôt de tout véto à l’encontre de cet accord.

D’un discours controversé et fortement partisan au Congrès en mars, en passant par de nombreuses apparitions sur les médias américains, Netanyahou a fait de son opposition à l’accord conclu le 14 juillet la pierre angulaire de sa politique, grâce à la mobilisation de l’American Israel Public Affairs Committee (AIPAC) et de nombreuses organisations de façades mais aussi en insultant les signataires de l’accord. La première phase de cette lutte est maintenant terminée.

Lors des élections générales en Israël au mois de mars, le parti de Netanyahou, le Likoud, a obtenu suffisamment de sièges pour s’assurer qu’il puisse continuer son mandat. Cette victoire électorale s’est transformée toutefois en une coalition gouvernementale des plus restreinte, incorporant seulement 61 des 120 membres de la Knesset.

Le dangereux jeu de Netanyahou de défier non seulement l’allié le plus proche d’Israël à la Maison Blanche, mais également le reste des P5+1 dans sa bataille contre l’accord sur le nucléaire, aurait pu créer des turbulences au sein de cette très mince coalition ainsi que de la politique israélienne. Cela n’a pas été le cas. Le cabinet israélien s’est rallié au Premier ministre et l’opposition d’Israël est faible et irresponsable – elle a évité de défier le Premier ministre sur le contenu de l’accord, en se concentrant exclusivement sur la prétendue mauvaise gestion par Netanyahou de la position internationale et des amitiés d’Israël.

Ce qui explique pourquoi une audience avec Cameron à Londres sera donc la bienvenue pour le dirigeant israélien. Celui-ci montre à son opposition que tout va pour le mieux, et que le Premier ministre d’Israël est un invité prisé par les plus importantes capitales européennes.

La défaite de Netanyahou au Congrès ne devrait pas, en tout cas, être surestimée. Le Premier ministre israélien savait sûrement que les chances d’obtenir un veto à la majorité dans les deux chambres du Congrès étaient minces. Les objectifs stratégiques de Netanyahou – au-delà des tentatives continues de faire dérailler l’accord en lui-même,  avec bien d’autres propositions de résolutions empoisonnées à proposer au Congrès – qui étaient au moins doubles, sont, d’ailleurs, toujours en jeu et seront exposés lors de son séjour à Londres.

Tout d’abord, Netanyahou cherche à définir les termes de références pour la prochaine phase de coopération avec l’Iran, qui débutera au lendemain du Joint Comprehensive Plan of Action (JCPOA). L’objectif est de limiter, ou, mieux encore, d’empêcher que l’accord ne débouche sur  une coopération approfondie avec l’Iran sur les questions d’intérêt régional et les intérêts de l’Occident. Dans le monde de Netanyahou, l’ère post-JCPOA devrait être l’occasion d’exacerber les relations conflictuelles entre l’Occident et l’Iran dans tous les domaines, plutôt que de chercher à mettre en place une sorte de suivi diplomatique de cet accord.

 Atteindre cet objectif pourrait être plus facile à Washington qu’en Europe. Le Secrétaire aux Affaires étrangères britannique Philip Hammond a déjà visité Téhéran depuis l’accord sur l’Iran, et les ambassades respectives ont été rouvertes. Le Royaume-Uni a été explicite quant à son intention de profiter de l’accord sur le nucléaire, non seulement pour renouveler ses relations économiques, mais également pour relancer l’effort diplomatique sur la gestion des conflits régionaux où l’Iran tient un rôle clé, la Syrie étant l’un des enjeux régionaux les plus importants. Il faut s’attendre à ce que la réponse de Netanyahou soit forte sur la rhétorique mais faible sur le fond. Un sage dirigeant israélien examinerait si les nouveaux contacts du Royaume-Uni avec Téhéran peuvent être utilisés au mieux pour règler les problèmes qui concernent le plus Israël.  

Deuxièmement, Netanyahou est, comme toujours, à la recherche de compromis, de distractions et d’avantages qui puissent réaffirmer sa position extrême contre les Palestiniens. Au Congrès américain, un certain nombre de démocrates ont déclaré leur soutien au JCPOA, et seront à présent particulièrement sensibles aux revendications des lobbyistes qui affirment qu'ils « doivent beaucoup à Israël ». Ainsi, ils feraient mieux de ne pas sortir de la ligne sur la question de la Palestine. Pour comprendre la politique américaine envers le conflit israélo-palestinien, pensez aux contrôles des armes et à la National Rifle Association. Cette dernière est un lobby extrêmement puissant et influant qui crée une rupture fondamentale entre la politique et la réalité. Pour beaucoup de membres du Congrès, s’opposer au lobby à propos de l’accord iranien était un gros problème, qui ne se reproduira pas de sitôt d’ailleurs.

Alors que les décideurs européens ont beaucoup plus de marge d’opération politique que leurs homologues américains, ils sont également beaucoup plus « timides » s’agissant de la question palestinienne. Les Européens semblent également « dédommager » Israël en s’abstenant encore plus d’agir à propos des violations quotidiennes par Israël du droit international dans les territoires occupés. Cette compensation symbolise un arrangement ayant pour but d’éviter la perte de l’accord iranien. 

Malgré la politique britannique contre les colonies et l’occupation, le leadership britannique en matière d’étiquetage de produits des colonies et le gouvernement qui a émis des lignes directives détaillés l’an dernier sur les risques pour les entreprises britanniques de faire des affaires avec des entités basées en Israël, Cameron est devenu de plus en plus faible dans ses politiques et déclarations sur le traitement israélien des Palestiniens, et ébranle la paix qui règne entre les deux états, comme lors de l’opération militaire israélienne contre Gaza cet été. Attendez-vous à voir la même chose lors de la visite de Netanyahou. En fait, les Palestiniens ne sont même pas mentionnés dans la note d‘information de visite israélienne, qui se concentre plutôt sur le soutien que l’Europe doit apporter à Israël, considéré comme « la seule vraie protection que l’Europe a dans le Moyen-Orient contre la flambée de l’Islam extrémiste ».

Un sage leader britannique pourrait souligner à son interlocuteur israélien que les politiques israéliennes visant les Palestiniens sont un facteur de, et non contre-point à, l’extrémisme. Alors que le Royaume-Uni cherche à approfondir les liens avec Israël, il est de son devoir de différencier Israël de ses colonies illégales, et sans un changement dans l’approche qu’Israël a face aux palestiniens, l’opinion publique nationale fera de la politique « Monsieur Gentil » de Cameron une option politique de plus en plus intenable.


Ces points de discussion entre Jérusalem et Londres pourraient faire office de visite digne d’intérêt…mais ne retenez pas votre souffle. 

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