Cinq graphiques qui expliquent la politique étrangère de l’Europe en 2017

L'Union européenne est profondément divisée sur les questions d'immigration, de la Russie, et peut-être bientôt des Etats-Unis. 

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Après avoir été blessée dans sa chair pendant des années, il semblerait que les crises qui ont frappé l’Union européenne (UE) en 2016 pourrait conduire à l’hémorragie. L’establishment est, à la surprise générale, sorti perdant du référendum sur le Brexit et des élections américaines ; Matteo Renzi, le centriste énergétique, a démissionné de son poste de Premier ministre après avoir perdu le référendum en Italie ; les élections en Autriche et les primaires en France ont montré des divisions de plus en plus profondes dans la société ; et en Hongrie et en Pologne, des gouvernements toujours plus illibéraux sont aux prises avec la Commission européenne.

Alors que l’on se dirige vers une nouvelle année d’élections en France, aux Pays-Bas et en Allemagne, il ne fait aucun doute que les changements politiques nationaux influenceront directement le processus de prise de décision de l’UE. Pour 2017, il ne suffit pas de lire les déclarations des gouvernements afin de prédire les différentes positions sur la politique étrangère. Il faut plutôt s’attarder sur les coalitions et divisions qui existent à la fois à l’intérieur des différents pays et des pays entre eux et déterminer lesquels vont jouer un rôle clé dans la formation des politiques.

Pour ce faire, l’ECFR a réalisé un sondage dans les 28 Etats membres, interrogeant les représentants de 74 partis politiques sur leurs priorités en termes de politique étrangère à la lumière du vote pour le Brexit. Les résultats montrent une classe politique avec des préoccupations similaires, mais différentes priorités, ce qui pourrait causer des tensions. Néanmoins, la persistance de forts terrains d’entente entre les dirigeants européens permettra d’œuvrer ensemble dans l’année à venir.
 

1. Un consensus ouvert et pro-occidental subsiste, malgré les récents résultats électoraux

L’unanimité fait toujours défaut mais un consensus demeure sur la plupart des valeurs européennes traditionnelles : une forte relation transatlantique, une ouverture vers les pays voisins, et un intérêt pour le commerce international. Le point principal de désaccord porte sur la question de la relocalisation des réfugiés.

Le programme européen pour la relocalisation a pour objectif de répartir plus de 100 000 réfugiés arrivés en Italie et en Grèce dans les autres Etats membres de l’UE. Pour une petite majorité, accepter cette relocalisation devrait être obligatoire pour tous les Etats membres, mais pour une importante minorité (36%), des opt-outs devraient être permis si l’Etat en question contribue à résoudre la crise des réfugiés autrement.
 

2. Mais un nombre toujours plus important de partis contestataires ont des priorités de politique étrangère différentes de celles des partis traditionnels

Comme expliqué dans notre rapport « Le monde selon les partis insurgés européens », un groupe composé d’anciens et de nouveaux partis politiques contestant l’establishment gagne lentement du terrain depuis quelques années.

Concernant leurs positions sur les principaux défis de l’UE, un très large consensus apparaît à première vue, les partis traditionnels et contestataires insistant tous sur la menace terroriste.

Toutefois, il existe une divergence claire à propos des visions sur la Russie (voir ci-dessous), les partis contestataires étant plus enclins que les partis traditionnels à chercher un compromis avec Moscou. En 2017, la montée potentielle du Front National en France et du FPÖ en Autriche pourrait amener un changement important dans l’orientation de la politique étrangère européenne vis-à-vis de la Russie, en particulier concernant les sanctions.

3. La nature du partenaire privilégié de l’UE a changé drastiquement

Les Etats-Unis restent le principal partenaire dans le monde – tant pour la politique étrangère que pour l’économie – des Etats membres et de l’UE en général. Mais si cela n’a pas changé, la nature du partenaire, elle, si. Donald Trump a tenu des propos favorables à l’égard de la Russie, un pays perçu comme une menace pour la sécurité du continent par la plupart des pays européens. Il a remis en question l’alliance transatlantique et l’appartenance du pays à l’OTAN ; il a soutenu le Brexit, un des plus gros coups portés au projet européen.

Ainsi, on peut craindre que les Etats membres, qui font de leur relation avec les Etats-Unis une priorité, finissent par adopter des politiques contraires aux intérêts de l’Europe dans son ensemble.
 

4. Et le soutien à une coopération européenne sur la sécurité est faible

Un rapport franco-allemand publié après le référendum sur le Brexit a appelé de ses vœux un nouveau pacte de sécurité pour l’Europe, qui inclurait une modification de la politique européenne d’immigration et d’asile. Ce débat sur la coopération en matière de sécurité est en cours, et lors du Conseil européen de décembre, les chefs d’Etat et de gouvernement ont décidé d’intensifier la coopération sur la défense européenne et d’y accorder plus de ressources. Toutefois, nous avons découvert qu’au sein de la plupart des pays, aucun consensus n’existe sur une plus forte intégration en matière de sécurité, et que dans sept pays, les partis tendent à rejeter ces idées.
 

2017 fera-t-elle mieux ?

Les défenseurs du projet européen aimeraient passer l’année 2017 à panser leurs plaies et à trouver des nouveaux projets qui raviveront la flamme intégrationniste de ces dernières années. Bien sûr, le monde n’est pas prêt de s’arrêter pour permettre à l’UE de souffler. Mais le problème le plus fondamental pourrait être qu’il ne reste qu’un faible consensus pour soutenir de nouveaux projets d’intégration. Certes, un accord essentiel persiste sur certaines des valeurs clefs de l’UE, mais cette dernière est profondément divisée sur les sujets de l’immigration, de la Russie, et peut-être bientôt des Etats-Unis. Même le plus populaires des projets à venir, à savoir la coopération en matière de sécurité, ne rassemble qu’un faible soutien parmi les partis politiques européens. De façon générale, si l’UE veut mettre fin à l’hémorragie, elle devra plus s’attacher à trouver des domaines de coopération qui parlent aux partis politiques nationaux, y compris aux partis contestataires. Notre recherche initiale indique qu’un bon point de départ pourrait être une coopération plus visible sur la lutte antiterroriste. 

L'ECFR ne prend pas de position collective. Les publications de l'ECFR ne représentent que les opinions de leurs auteurs.