Un « pivot » français vers et dans l’Asie

La France regarde au-delà de la Chine vers de nouveaux partenaires en Asie

Publication cover
Texte complet disponible en
Résumé disponible en

Dans le dernier rapport du Conseil européen des relations internationales (ECFR), François Godement éclaire une nouvelle politique française en Asie, densifiant et diversifiant sa présence dans l’ensemble de la région. Il s’agit d’abord d’inverser le déclin relatif de l’influence économique française, et pour cela de mobiliser des atouts qui incluent les capacités politiques et de sécurité françaises. Le nouveau rapport de l’ECFR souligne que si Paris et ses partenaires européens restent en concurrence sur le marché chinois, et de plus en plus pour attirer les investisseurs et visiteurs chinois, la France tente néanmoins de corriger une focalisation trop exclusive sur la Chine en enrichissant les liens bilatéraux avec l’Inde, le Japon, La Corée, l’Indonésie, Singapour, le Vietnam et l’Australie. De plus, la France explore de nouveaux marchés et le potentiel d’investissements dans les économies émergentes de « second rang » telles que les Philippines et le Laos.

Cette diversification conduite sous la présidence Hollande – qualifiée de « diplomatie économique » au Quai d’Orsay – suit sans contredire la normalisation des rapports avec Pékin depuis 2010. La France espère que des liens bilatéraux plus solides au sein de la région lui ouvriront de nouveaux marchés ainsi que des partenariats de sécurité.

François Godement affirme que le diagnostic d’une présence trop limitée de la France dans la région asiatique a mené à une stratégie fondée sur trois principes :

  • Une compétitivité accrue des exportations et services français ;
  • Des partenariats fondés sur les besoins de pays cibles plutôt que la traditionnelle promotion des exportations françaises ;
  • Une présence stratégique fondée sur une coopération de défense auto-financée.

Le  rapport cite les propos d’un officiel selon qui la France « ne peut plus avoir une seule politique d’ensemble en direction de l’Asie».  La stratégie semble fonctionner : les échanges commerciaux entre la France et l’Asie se sont améliorés, suivant une augmentation des visites gouvernementales sur le marché asiatique.

Le rééquilibrage de la stratégie française en Asie a aussi stimulé le commerce d’armes françaises dans la région. En 2012, la moitié des ventes d’armes françaises était à destination de l’Asie. Godement souligne une consultation stratégique particulièrement avec le Japon, et la coopération de défense avec des partenaires tels que l’Inde, la Malaisie ou encore Singapour sont aussi en développement. La capacité de projection militaire de la France est aujourd’hui unique en Europe – même si les restrictions budgétaires laissent un doute sur son avenir.

Le rapport de l’ECFR souligne toutefois que la France a soigneusement poursuivi le « partenariat global » avec la Chine mis en place par Jacques Chirac en 1997. Paris est, de plus, le plus important centre de transactions en yuan de l’eurozone. Les entreprises françaises et chinoises coopèrent sur les infrastructures énergétiques anglaises, mais le gouvernement français maintient une position plus protective sur la question des investissements et des marchés publics à Bruxelles.

En conclusion, François Godement émet une mise en garde : la politique asiatique française reste centrée sur les intérêts nationaux, or sur le long terme elle devra travailler dans un cadre plus européen pour défendre ses intérêts et continuer à tenir les engagements communautaires.  « La politique asiatique de la France reste à mi-chemin entre l’intergouvernementalisme ponctuel et un système fédéral dont les politiques nationaux savent qu’il réduirait leurs prérogatives. » 

L'ECFR ne prend pas de position collective. Les publications de l'ECFR ne représentent que les opinions de leurs auteurs.