Présidentielle 2017 : le marqueur européen

En marge de la rencontre organisée le 3 avril par « Le Monde » et l'ECFR avec les cinq principaux candidats à la présidentielle ou leurs représentants, François Godement et Manuel Lafont Rapenouil reviennent sur la place centrale de l’Europe dans la campagne.

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La rencontre organisée par l’ECFR et Le Monde le 3 avril est révélatrice : qu’ils soient pour ou contre, tous les candidats y ont parlé de l’Europe, qui devient le centre du débat de politique étrangère. L’Europe s’invite au cœur du débat sur l’international de la présidentielle. Tout y conduit, tout en provient.

Tous les candidats répondent à une situation internationale qu’ils jugent instable et dangereuse, et à la demande de sécurité des Français. Qu’il s’agisse d’identité, d’économie, d’emploi ou de défense, les réponses qu’ils proposent tournent autour de la recherche ou du refus d’Europe. Le même clivage se retrouve plus largement entre l’ouverture sur le monde et le repli, qu’il s’agisse de commerce ou de migrations et d’accueil des réfugiés.

Sur les interventions extérieures de la France, une page commune à Nicolas Sarkozy et François Hollande est-elle en passe d’être refermée ? Une très grande majorité de Français approuve les interventions en Syrie ou au Mali. Et pourtant, bien que tous partisans d’un effort de défense accru, les candidats mettent en garde contre les risques de ces interventions, et insistent sur la nécessité d’accompagner l’usage de la force avec une stratégie politique. Là où le président sortant a manifesté de la fermeté, les candidats voudraient un rééquilibrage des alliances, et plus de dialogue avec des dirigeants jugés incontournables : le président russe Poutine pour tous, mais aussi le Turc Erdogan, l’Iranien Rohani, l’Américain Trump, ou le Chinois Xi Jinping, selon les points de vue.

Nostalgie

Cette recherche de sécurité s’étend à l’économie globalisée. La maîtrise du commerce extérieur, des règles économiques et sociales, la crainte d’une perte de puissance française sont omniprésentes. Certains l’expriment avec une pointe évidente de nostalgie pour « le monde d’avant ». Chacun à sa manière, Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon veulent non seulement sortir les sortants, mais aussi sortir de tout : l’UE, l’OTAN, les accords de libre-échange CETA et TAFTA – même si la fibre sociale de Jean-Luc Mélenchon n’est pas la préférence nationale de Marine Le Pen.

Tout cela fait d’excellents Français, qui affichent leur foi dans le dynamisme potentiel de notre pays. Ils se retrouvent alors sur un point : le dialogue incontournable avec l’Allemagne, sans doute encore renforcé par le Brexit. Même ceux qui veulent réduire l’adhésion de la France aux règles européennes placent ce dialogue avant un conflit. Certains veulent infléchir la politique européenne de l’Allemagne, d’autres escomptent que celle-ci a dans tous les cas besoin de la France en Europe.D’autres refusent le repli, avec des priorités différentes. Pour Emmanuel Macron et plus encore François Fillon, c’est d’abord à la France de se réformer, comme la Suède, l’Allemagne, l’Espagne et le Portugal l’ont fait. Benoît Hamon veut d’abord réformer l’Europe vers une démocratie des peuples. Est-il assez réaliste ? Et à l’inverse, quand François Fillon ramène les décisions essentielles vers les gouvernements, est-il si européen ?

Incertitude

Et en effet, le retour aux tensions et conflits entre nations européennes serait bien pire que les désaccords actuels, gérés selon les règles et dans le cadre des institutions communes. Dévaluations compétitives, dumping fiscal et même tensions territoriales (des Carpates à Gibraltar) sont d’excellents exemples, pas de la politique-fiction. L’Union européenne, le pire des systèmes à l’exception de tous les autres…

Français, les candidats le sont aussi par cette volonté toujours présente d’un rôle pour notre pays. Le débat sur l’atlantisme a provisoirement disparu, tant les orientations de Donald Trump créent une incertitude générale. Personne ne prône l’alignement, car sur quelle ligne se ferait-il ? Une approche gaullienne prédomine donc. Mais pour les uns, le monde sera celui des grandes puissances, et la France doit jouer d’un équilibre entre les Etats-Unis, la Russie et la Chine, souvent sans vision positive du monde de demain.

D’autres maintiennent que l’indépendance n’empêche pas une coopération étroite, non seulement à l’ONU, sur le climat par exemple, mais d’abord et surtout au sein d’une Europe devenue plus complexe. Une Europe unie reste le meilleur moyen d’être écouté et d’avoir du poids sur la scène internationale. Elle reste le moyen de défendre notre propre vision du monde.

C’est à ces derniers que va notre préférence, et non au pessimisme affiché. Par chance, ils sont encore plusieurs sur cette ligne générale, en dépit de toutes les prédictions sur le déclin français et l’Europe au bord de l’implosion.

Cette tribune a d'abord été publiée dans Le Monde le 10 avril 2017.

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