Europe sans frontières 2025: Surmonter l’impasse de la politique de voisinage de l’Union européenne

Andrej Novak nous présente le projet « Europe sans frontières 2025 » et nous explique comment cela pourrait permettre de renforcer et de réformer l'UE.

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Alors que toute l’Europe parle du Grexit et du Brexit, de la possible fermeture des frontières nationales, de la menace que représente l’Etat Islamique, de l’inquiétude qui grandit face à une Russie de plus en plus agressive, et des demandes de plus en plus insistantes de renforcer l’Europe face à l’immigration illégale ; il peut sembler étrange, à cet instant, de proposer un concept audacieux et inclusif permettant de faire disparaitre toutes les barrières en Europe d’ici 2025.

En même temps, c’est précisément l’absence d’une vision positive de l’Union européenne (UE) et du reste de l’Europe – une crise de confiance européenne dans le fond – qui est au cœur du casse-tête auquel l’UE doit faire face aujourd’hui. Plus spécifiquement, le Partenariat Oriental, qui regroupe l’Ukraine, la Biélorussie, la Moldavie, la Géorgie, l’Arménie et l’Azerbaïdjan, a été créé pour faire office de prix de consolation au sein de la politique de voisinage destinée à l’Europe de l’est et du sud-est. Cela s’explique par le fait que l’UE a, pendant la dernière décennie, été réticente à proposer explicitement une adhésion potentielle ou à faire de sérieux efforts pour mettre en place une véritable politique d’intégration économique et politique (du moins pour concernant les pays l’ayant demandé). Cette attitude suit le cas de la Turquie où le rejet de candidature par l’Europe a largement conduit au rejet de l’Europe par la Turquie.

En outre, après 20 ans de négligence, les pays des Balkans occidentaux n’étant pas déjà membres de l’UE (mis à part le Monténégro peut-être) se trouvent également face à un processus d’adhésion qui, au vu des prérequis fixés pour l’adhésion de la Croatie, pourrait facilement durer jusqu’à la fin de la prochaine décennie. Cette approche réticente vis-à-vis de l’élargissement de l’UE risque d’engendrer une chute de soutiens, de la population mais aussi des élites politiques, dans tous ces pays, ce qui aurait des conséquences hautement problématiques pour la paix, la stabilité et la prospérité de la région et de l’Europe toute entière. La perspective d’une adhésion à l’UE « peut-être dans 25 ans » est extrêmement difficile, sinon impossible, à faire accepter sur le plan politique. La réticence de Bruxelles à poursuivre un programme d’élargissement plus proactif tire sa source des nombreux problèmes internes devant être abordés avant que l’UE ne puisse être en mesure d’accepter de nouveaux membres. Une politique de voisinage réaliste doit donc prendre en considération ces éléments et doit offrir une étape intermédiaire attractive pour les pays étant candidats à l’adhésion à l’UE, cette étape devant pouvoir être réalisable en 5 à 10 ans sans endommager les chances qu’ont ces pays d’accéder à une adhésion pleine et entière à l’UE.

Heureusement, une institution correspond parfaitement à ce projet : l'Espace économique européen (EEE).

Adhérer à l’EEE est attractif en ce qu’elle étend la plupart des quatre libertés fondamentales de l’UE – liberté de circulation des travailleurs, des services, des marchandises et des capitaux – à ses membres, comme en atteste la Norvège et l’Islande par exemple. Cela signifierait que de la péninsule de Dingle à l’ouest à Tbilissi à l’est les contrôles douaniers pourraient devenir un simple souvenir. Les citoyens pourraient travailler, vivre et offrir des services n’importe où au sein de cet EEE élargit. Des questions complexes comme celles concernant l’union monétaire, la mise en place d’une politique étrangère et de défense commune, ou encore la politique agricole et sur la pêche ne deviendraient une obligation que si et quand un pays achève le processus d’adhésion à l’UE.

Les Etats des Balkans occidentaux, du Partenariat Oriental et la Turquie disposent de trois options pour permettre une participation plus ou moins entière à l’EEE :

·         Rejoindre l’accord de l’EEEindividuellement ou au sein d’un bloc (les Etats membres de l’Accord de libre-échange centre-européen (ALECE) dans           son ensemble par exemple),

·         Devenir des membres de l’Association européenne de libre-échange(AELE) et donc faire partie de jure de l’EEE,

·         Devenir membres associés de l’AELEet donc faire de facto partie de l’EEE (comme l’a fait la Finlande en 1961 et 1986).

Bien sûr, il faudra régler certains détails concernant la compatibilité entre les Etats membres de l’ALECE et ceux membres du Partenariat Oriental comme c’est le cas pour l’Ukraine, la Moldavie, la Géorgie et la Turquie par exemple. Cependant, ces détails techniques ne devraient pas poser problème tant qu’il existe une volonté politique parmi les élites de favoriser une telle poussée stratégique.

L’adhésion à l’EEE permettrait de résoudre la situation actuelle, où des hommes politiques haut-placés dans cette région demandent souvent la mise en place d’une voie d’adhésion claire à l’UE mais n’obtiennent, la plupart du temps, pas de réponse claire de leurs homologues de l’UE. La mise en place d’un tel projet favoriserait des progrès constants et croissants à l’inverse de la situation actuelle qui n’est source que de déception et de frustrations pour les élites politiques et, plus important encore, pour la population de cette région.

Idéalement, tous ces pays poseraient leur candidature pour adhérer à l’EEE dans les deux prochaines années(et bénéficieraient également d’un accord de suppression des visas avec l’UE d’ici là) and rejoindraient l’EEE d’ici 2020 avec la possibilité de mettre en place des périodes de transition concernant la liberté de circulation des travailleurs jusqu’en 2025. Mais d’ici à 2025, une Europe sans frontières devrait devenir réalité. Et ce n’est qu’à partir de là qu’une UE réformée et renforcée pourra être prête à envisager un nouveau cycle d’élargissement.

 

Andrej Novak est un spécialiste indépendant de l’Europe de l’est basé en Allemagne et est consultant pour European Cosmopolitan Consulting.

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