Edouard Tétreau prend les rênes du Conseil européen-ECFR

[PORTRAIT] Edouard Tétreau prend les rênes du Conseil européen-ECFR.

Portrait de Laurance N'Kaoua, paru dans les Echos, le 9 septembre 2014.

« Etre inerte, c'est être battu ». Ces mots, écrits par de Gaulle en 1940, trônent sur la page d'accueil du site Edouardtetreau.com. Inerte ? Dieu sait qu' Edouard Tétreau ne l'est pas ! L'associé gérant de Mediafin, chroniqueur à ses heures, notamment aux « Echos », écrivain prolixe et conseiller de dirigeants économiques et politiques, est désormais, en prime, directeur d'un think-tank européen à Paris.

A la tête, pour la France, du Conseil européen-ECFR, financé notamment par George Soros, ce fan de Jean Monnet veut voir se dessiner une grande unité européenne, diplomatique, économique, de la défense… « C'est une question de survie : aucune nation ne peut s'en sortir seule. Nous sommes à l'ère des Etats-continents », déclare, avec ferveur, ce quadragénaire souriant, affable mais tenace… et perfectionniste.

Avide de convaincre, ce Picard d'origine, né à Soissons et marqué, enfant, par l'atmosphère sombre du Chemin des Dames voisin, a créé le site Web « Etatsunisdeurope.com ». Edouard Tétreau vient pourtant d'un autre univers. Son métier d'origine? La finance, à laquelle il a consacré douze ans, après un parcours sans faute : une enfance parisienne, une scolarité à Saint-Louis-de-Gonzague, chez les pères jésuites à qui, dit-il, il doit beaucoup – et HEC, dont il sort en 1992 (majeure entrepreneurs). « Mais, à vingt-deux ans, je n'étais pas mûr pour créer mon entreprise », sourit ce chrétien plein de fougue, qui a reçu une éducation rangée dans une famille bourgeoise et catholique. Il s'oriente donc vers la banque d'affaires, chez Schroders, à Londres.

Une note sur Vivendi

Mais c'est au Crédit Lyonnais, où il entre en 1998, que son destin va basculer. Analyste financier, en charge des médias, il rédige en 2002 avec son collègue Eric Ravary une note sur Vivendi, distribuée à des investisseurs du monde entier. La note conteste la gestion, par Jean-Marie Messier, de ce qui est alors le deuxième plus grand conglomérat de médias mondial, avec 350.000 salariés et 58 milliards d'euros de chiffre d'affaires.

L'avenir donnera raison à Edouard Tétreau. Mais, à l'époque, l'establishment français lui tourne le dos. Seul Jean Peyrelevade, son président, le soutient – au nom de l'indépendance des analystes. « Toutes ses qualités étaient dans la note : l'intelligence, la lucidité, l'esthétique, le sens des formules, la provocation… », raconte Jean Peyrelevade aux « Echos ». Edouard Tétreau tirera de cette expérience un ouvrage, publié en 2005 : « Analyste  : au coeur de la folie financière ». Mais pas seulement. Car ce fils de banquier, dont l'un des faits d'armes est d'avoir recommandé, le 16 mars 2000, aux clients et investisseurs du Crédit Lyonnais « de prendre les profits avant un éventuel e-krach », quitte bientôt la finance.

Finalement, sa « majeure entrepreneurs » lui servira : en 2004, ce père de trois filles, dont l'épouse est juge, fonde la société de conseil en stratégie Mediafin. «  Il a le sens de la relation humaine. C'est un grand psychologue des patrons. Il a un regard aiguisé, il nous aide à réfléchir et il est capable de dire les choses », estime Nicolas de Tavernost, président du directoire de M6.

Quant à HEC, il y reviendra aussi, mais en tant que professeur affilié. De 2010 à 2013, il y enseignera le management des crises financières, lui qui, quelques semaines à peine avant la crise des subprimes, s'est installé à New-York afin de développer des fonds d'investissement direct pour son client Axa (on le dit proche de Claude Bébéar).

Aujourd'hui plus que jamais, il est soucieux d'exposer « l'idée minoritaire que l'on essaie de réduire au silence, ou que l'on néglige, alors qu'elle recèle une vérité qui ne s'est pas encore exprimée ». Dans ses chroniques, ce fan de Cyrano de Bergerac se veut provocateur. Le traité transatlantique ? « Il faut tout reprendre à zéro », écrit-il. L'amende infligée par les Etats-Unis à BNP Paribas ? «  Un racket ».

Edouard Tétreau ne mâche pas ses mots. Et il aime, dit-on, la lumière médiatique. « Pas la lumière pour la lumière, assure-t-il. Mais que mes idées prennent la lumière, qu'elles soient partagées, diffusées, qu'elles soient suivies d'actions, cent fois oui ! » D'ailleurs, un livre devrait bientôt paraître sur la possibilité d'une renaissance française et européenne.

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