Après l’ONU, c’est à l’UE de montrer l’exemple

La résolution 2334 devrait être vue comme une nouvelle étape tardive dans la mobilisation du consensus international pour la défense de la solution des deux Etats et des droits des Palestiniens.

Également disponible en

La résolution 2334 devrait être vue comme une étape tardive vers la mobilisation du consensus international. Mais pour lui donner de l’effet, les Etats vont devoir s’appuyer sur la résolution afin de la rendre opérationnelle. L’Union européenne (UE) est la mieux placée pour cela.

L’essentiel des discussions à propos de la résolution adoptée la semaine passée par le Conseil de sécurité des Nations Unies condamnant la colonisation israélienne s’est concentrée sur la décision des Etats-Unis de s’abstenir, ce qui a permis l’adoption du texte. Mais la résolution 2334 ouvre aussi la porte à des mesures pratiques pour contester la poursuite de l’occupation par Israël et décourage son annexion illégale des territoires palestiniens, en suivant l’exemple de la politique de différenciation menée par l’Europe.

La résolution de la semaine dernière est le résultat d’un lent processus.

Depuis sa prise de fonctions, le président Obama a mis en garde à de nombreuses reprises sur les conséquences pour Israël de poursuivre son projet de colonisation – notamment lors de son discours de mars 2013 à Jérusalem, dans lequel il avertissait que, « compte tenu de la frustration de la communauté internationale sur ce conflit, Israël doit renverser la tendance à son isolement. »

Le secrétaire d’Etat John Kerry a aussi tiré la sonnette d’alarme, affirmant dans son discours de décembre 2016 au Saban Forum qu’ « il y a un choix fondamental qui doit être fait par les Israéliens […] et qui est : va-t-il y avoir une colonisation continue ? Va-t-il y avoir la mise en œuvre continue d’une politique de colonisation, ou va-t-il y avoir une séparation et la création de deux Etats ? »

Afin qu’aucun de ces signaux ne soit manqué, dans son rapport de cet été, le Quartet pour le Proche-Orient – qui réunit l’Union européenne, la Russie, les Nations Unies et les Etats-Unis – avait signalé que les activités de colonisation par Israël constituent une menace majeure à la solution à deux Etats. Outre ces commentaires, il y a eu de fréquentes mises en garde – y compris de la part de l’ancien chef du Mossad Meir Dagan – sur les dangers qu’encourt Israël s’il continue à imposer « la réalité d’un Etat unique fondée sur l’occupation et le conflit perpétuels et qui est incompatible avec la réalisation des aspirations nationales des deux peuples. » Les deux sujets ont eux aussi été des thèmes majeurs du discours de mercredi du Secrétaire d’Etat John Kerry.

Jusqu’à présent, le gouvernement israélien a ignoré ces préoccupations de la même manière qu’il écarte les condamnations internationales de ses activités de colonisation : par un rejet absolu, accusant le monde de le stigmatiser, et essayant de rejeter la faute de l’origine du conflit sur les Palestiniens. Mais s’il est une chose qui a de façon répétée provoqué une montée de l’inquiétude d’Israël, ce sont les mesures européennes visant à différencier ce dernier de ses colonies.

Plusieurs décisions des Européens ces dernières années – surtout la décision de 2013 d’exclure les colonies du projet de recherche et de développement Horizon 2020, et la publication en novembre 2015 des lignes directrices sur l’étiquetage des produits issus des colonies – ont encore accentué la panique du gouvernement israélien, comme celle perceptible après le récent vote du Conseil de Sécurité.

Ces réactions ne sont peut-être pas surprenantes puisque les mesures de différenciation de l’UE remettent en cause les tentatives d’Israël de normaliser son entreprise de colonisation. Ces efforts sont destinés à assurer que les liens économiques, universitaires et diplomatiques de l’UE avec Israël n’affaiblissent pas son soutien à la solution des deux Etats. Ils se combinent avec des efforts coordonnés pour accroître la sensibilisation des entreprises installées en Europe aux risques juridiques, financiers et de réputation qui découlent de liens d’affaires avec les colonies israéliennes.

La différenciation s’est révélée être un outil efficace pour faire évoluer la structure des incitations qui étaye le soutien continu d’Israël en faveur du statu quo de l’occupation et de l’expansion des colonies. Demander à Israël de tirer les conséquences des exigences de la différenciation formulées par l’UE a mis en exergue les contradictions inhérentes au désir d’Israël de développer ses relations internationales tout en resserrant son emprise sur les territoires palestiniens. Dans le passé, le gouvernement israélien a fini par accepter de mettre en place sa propre différenciation interne en faisant respecter la prépondérance de la Ligne Verte d’avant juin 1967 (la base d’un futur Etat palestinien) afin de continuer à avoir accès aux aspects de la relation bilatérale avec l’UE qui répondent à ses intérêts.

C’est à cette exigence de différenciation que fait allusion le paragraphe 5 de la résolution 2334, qui « appelle tous les Etats (…) [à] faire la distinction, dans leurs échanges en la matière, entre le territoire de l’État d’Israël et les territoires occupés depuis 1967. » Il est assez ironique de constater qu’une formule similaire avait été inclue dans le projet des conclusions du Conseil des affaires étrangères (CAE) de l’UE de janvier 2016, mais avait finalement été retirée suite aux pressions d’Israël sur les Etats membres.

L’endossement par le Conseil de Sécurité de l’idée et de la mise en œuvre de la différenciation devrait être vue par l’Europe comme un signal pour qu’elle renforce ses propres mesures de différenciation, et une invitation aux autres pays et blocs commerciaux de lui emboîter le pas. En particulier, pour les membres du Mercosur, l’Argentine, le Brésil, le Paraguay, l’Uruguay et le Venezuela (qui co-parrainait la résolution du Conseil de Sécurité), dont les accords de libre-échange avec Israël prévoient actuellement des droits de douane préférentiels pour les produits issus des colonies.

La résolution n’exclut pas des changements à la ligne d’avant 1967 via des négociations israélo-palestiniennes, pas plus qu’elle n’impose un accord final aux deux camps. En revanche, elle réaffirme clairement le consensus politique international de longue-date : le territoire palestinien, y compris Jérusalem-Est, est un territoire occupé. Ce type de déclaration aide considérablement à faire obstacle aux tentatives d’amalgamer Israël et ses colonies extraterritoriales, ainsi qu’aux tentatives israéliennes de nier ou de repousser les protections accordées aux Palestiniens sous le régime du droit international humanitaire (DIH) et du droit international des droits de l’homme (DIDH).

Rendre la loi plus claire est essentiel pour les entreprises faisant affaires avec les colonies israéliennes dans une époque où la Cour Pénale Internationale (CPI) a exprimé sa volonté d’examiner les crimes résultants de l’exploitation des ressources naturelles et l’expropriation illégale des terres. Cela vient aussi à un moment où le Conseil des droits de l’homme de l’ONU travaille sur une base de données recensant tous les entreprises qui ont des activités dans les colonies ou liées à ces dernières. Réaffirmer l’illégalité des colonies et le statut sous occupation du territoire palestinien sera aussi utile pour la FIFA lorsqu’elle décidera du sort des équipes de football issues des colonies et de leur participation à la ligue israélienne sous les auspices de l’UEFA.

Avant toutes choses, la résolution 2334 devrait être vue comme une nouvelle étape tardive dans la mobilisation du consensus international pour la défense de la solution des deux Etats et des droits des Palestiniens. Mais pour lui donner un effet tangible, les Etats vont devoir s’appuyer sur la résolution pour rendre opérationnelles les dispositions concernant le droit international et les responsabilités des Etats tiers. Alors que des développements ultérieurs pourraient suivre le discours de John Kerry et survenir dans les dernières semaines de la présidence Obama, ce sera ensuite à l’UE et à ses Etats membres que reviendra la tâche de montrer l’exemple dans les années à venir, lors de l’interrègne américain sous le président Trump.

 

Cette tribune a d'abord été publiée sur 972mag.com le 28 décembre. 

L'ECFR ne prend pas de position collective. Les publications de l'ECFR ne représentent que les opinions de leurs auteurs.