Analyse de la Commission de Juncker : Les « équipes de projet » sont la clé

Cette nouvelle configuration de la Commission européenne cherche à construire une structure plus horizontale avec des équipes de projet. 

Source : European Commission website

 

Au cœur du débat initial sur la composition de la nouvelle Commission européenne de Jean-Claude Juncker se trouvait la question classique de “qui a obtenu quoi”. Toutefois, notre attention devrait être portée sur la tentative de Juncker de concilier une Commission surdimensionnée et donc dysfonctionnelle avec la volonté des Etats membres de maintenir la règle qui leur permet d’envoyer chacun un commissaire à Bruxelles.

 

En mai 2013, alors que la Croatie était sur le point d’intégrer l’Union européenne, les Etats membres ont décidé à l’unanimité de ne pas appliquer la clause de l’article 14(5) du Traité de Lisbonne qui stipule que « La Commission est composée d'un nombre de membres […] correspondant aux deux tiers du nombre d'États membres ». Il semblait que la configuration des deux Commissions Barroso précédentes serait maintenue : les domaines d’action de l’UE seraient divisés presque arbitrairement pour créer des portefeuilles pour les 26 commissaires ainsi que le président et la Haute représentante.

Dans ce contexte, Juncker a fait le choix d’adopter une approche intelligente qui deviendra probablement la règle générale si la structure qu’il propose se révèle efficace au cours des cinq prochaines années. Six vice-présidents et la Haute Représentante seront en charge des questions de politiques transversales. Ils dirigeront chacun un groupe de commissaires, ayant tous un portefeuille couvrant leurs domaines respectifs.

Ainsi, l’« équipe de projet » en charge du « Marché unique numérique » sera dirigé par le vice-président Andrus Ansip, ancien Premier ministre d’Estonie. Elle sera composée de sept commissaires et de cinq portefeuilles additionnels. Le mandat d’Ansip est fixé par une lettre du Président Juncker qui prévoit les objectifs à atteindre et les tâches spécifiques à effectuer. Les autres commissaires de ce groupe – dont le commissaire européen aux Affaires économiques et monétaires, à la Fiscalité et à l'Union douanière, ancien ministre des finances français, Pierre Moscovici – contribueront à ces tâches.

De même, le vice-président à la tête du groupe chargé du « Dialogue social européen » fera collaborer sept commissaires sur une mission commune. Ainsi, en tant que commissaire aux services financiers, le Britannique Jonathan Hill travaillera sous la houlette du vice-président Valdis Dombrovskis, ancien Premier ministre de Lettonie.

Cette configuration est le premier projet qui cherche à construire une structure davantage horizontale au sein de l’organe exécutif européen traditionnellement vertical. Jusqu’à présent, le Collège des commissaires lui-même, au sein duquel toutes les initiatives font l’objet de débat avant toute décision, était la seule couche horizontale efficace.

Les traités ont spécifiquement stipulé que des nouvelles couches horizontales devaient être mises en place, mais ça n’a pas été suivi d’effet au cours des cinq dernières années : l’Article 18(4) donne au Haut Représentant la responsabilité de coordonner les actions extérieures de la Commission. Toutefois, Catherine Ashton n’a pas été en mesure de mettre en œuvre cela. Dans la nouvelle configuration de Juncker, la nouvelle Haute Représentante, l’ancienne ministre des Affaires étrangères italienne Federica Mogherini, n’aura plus ce rôle exceptionnel. En revanche, sa responsabilité pour l’ensemble des actions extérieures sera intégrée à l’ensemble de l’organisation en correspondant aux rôles similaires des vice-présidents.

La structure en grappes suggère également l’émergence d’une équipe de leaders au sein de la Commission. Jean-Claude Juncker va voir besoin d’assoir son autorité et devra faire preuve de retenue pour établir et utiliser ce noyau comme un instrument de leadership. S’il y parvient, cela pourra mettre un terme au débat sur la taille de la Commission. Et si sa structure se révèle efficace, les protestations à l’encontre des nominations et affections, comme celles de Moscovici ou Hill, se tasseront.

Outre la Haute Représentante, tous les vice-présidents viennent des petits Etats membres, ce qui peut être un moyen intéressant de tester l’équilibre des pouvoirs au sein des institutions européennes. Avec cette proposition, Juncker a placé la barre haute. Il semble déterminé à ne pas simplement être le premier « Spitzenkandidat » à diriger la Commission, mais également le premier à oser entreprendre une refonte majeure de sa gestion.

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